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Rencontres avec Violaine Bérot

 

Mardi 17 décembre, les élèves de 2de générale ont rencontré Violaine Bérot, autrice du roman Comme des Bêtes, une histoire sur les apparences, les rumeurs et la différence.

Le roman raconte l’histoire d’un garçon, considéré comme l’idiot du village et présenté comme tel. Sa mère et lui vivent reclus dans la montagne. Un jour, on le trouve, dans cette montagne, en compagnie d’une petite fille nue. Qui est-elle ? D’où sort-elle ?

La construction de l’histoire est faite sous forme d’interrogatoire au cours duquel des habitants du village sont entendus (l’institutrice, un voisin, le facteur, la pharmacienne…) et disent ce qu’ils pensent de ce garçon, surnommé « l’Ours », sans pourtant le connaître…

Entre chaque interrogatoire, un chœur de fées prend la parole à la manière d’un chœur antique.

Les élèves ont pu interroger Violaine Bérot sur un certain nombre de sujets grâce à des questions préparées en amont.

Violaine Bérot leur a expliqué quelles étaient ses intentions d’auteur « Je voulais parler des enfants qu’on place en hôpital psychiatrique au lieu de l’école et je me suis demandée pourquoi on les enfermait au lieu  d’essayer de les comprendre » mais aussi et avant tout son intérêt pour la langue et le mot juste, le rythme de la phrase et sa musicalité.

Les élèves de 2de  se sont montrés particulièrement intéressés par le récit fait de sa vie quotidienne, ses choix de vie personnelle et son travail d’écrivain. Contrariés malgré tout par le dernier chapitre déroutant et énigmatique, les 2de 2 ont proposé à l’autrice un 15eme chapitre.

15.

Sa mort ? Vous me l’apprenez, ça fait près de dix ans que je ne l’ai pas vu. Avec sa mère, on s’est séparés il y a longtemps.

Non, ça m’attriste pas, je le connaissais pas, comme je vous l’ai dit je l’ai pas vu depuis au moins dix ans.

On avait juste des différends à propos du rejeton. Elle l’aimait un peu trop alors qu’il était stupide. L’hôpital psychiatrique aurait été pas plus mal. Il avait pas besoin de parents, il avait besoin de médecins.

Oui, je parle de lui quand je dis le rejeton ! Mais dites pas que c’est mon fils, c’est pas vraiment ça.

Non, je pense pas  qu’il aurait pu intégrer la société… Il méritait pas la mort, même un animal mériterait pas ça. Je dis juste que des cas, j’en ai vu, mais celui-là, c’est quelque chose !

Bien sûr que je lui en veux, il m’a volé ma femme ! J’ai jamais voulu de lui, moi, c’est elle qui le voulait.

Et puis pourquoi on m’interroge ? J’en sais rien si votre agent doit aller en prison ou pas ! Je sais rien qui peut vous aider. Ecoutez, il est mort, maintenant laissez-moi partir. Moi, je m’en fous, je veux juste rentrer chez moi.

Ethann

 

15.

La victime est bel et bien morte par balle. La balle a traversé l’artère fémorale, ce qui a provoqué une hémorragie mortelle et le cœur a cessé de battre.

Oui, je te l’ai déjà dit, Alfred, je garderai le secret sur la réelle cause de sa mort. Je dirai que c’est la fragilité de son cœur, une crise cardiaque, le cœur a lâché suite à une émotion trop forte.

Concernant l’autopsie globale, c’est passionnant ! Ses cordes vocales n’étaient pas développées. Ses muscles, par contre, c’est autre chose ! Leur disposition rappelle celle des primates, il devait être très fort et très agile. Son cervelet était sous-développé mais les zones de l’empathie son anormalement grandes. Ca prouve que sa vocation était d’aider ceux qui souffrent. Donc la science prouve qu’il a juste protégé la fillette.

Oui, de rien. Mais concernant le corps, je veux le garder pour poursuivre mes expériences. Je veux que tu te débrouilles. Tu m’es redevable, après tout. Si tu veux une falsification des résultats de l’autopsie et que je ne parle pas de mort par balle… Donnant donnant, mon frère ! Ca a toujours été comme ça, tu me couvrais auprès des parents quand je sortais, je t’achetais ton pistolet à billes sans que maman le sache…

Je sais pas, moi, débrouille-toi pour le faire incinérer par la famille et on mettra autre chose dans le cercueil, voilà ! Mais il me faut ce corps !

Aloys

 

15.

C’était une après-midi pluvieuse, le cercueil était arrivé dans un silence de plomb et j’ai pu débuter la cérémonie dans le plus grand calme. C’est la cérémonie la plus marquante de ma vie. Mais au fait, pourquoi l’histoire de cette pauvre famille vous intéresse ? Vous voulez faire la une des journaux sur mon dos ?

Si vous le souhaitez vraiment, oui je peux vous expliquer, mais à condition que vous ne déformiez pas mes propos.

Bien. Pour tout vous dire, je ne me sentais pas à l’aise. Je n’ai pas l’habitude de célébrer une messe d’enterrement dans ces conditions, vous savez, il n’y a jamais autant de monde d’habitude, seulement les proches, mais là il y avait toute une excitation médiatique ! Des journalistes au fond de l’église. On les avait autorisés à enregistrer le son seulement. Bon, ça se déroulait à peu près normalement. Et puis la fillette s’est levée et a essayé de s’exprimer, avec des mimiques, et des gestes, et même des dessins.

Alors, on juste a compris qu’elle voulait dire que l’Ours l’avait accueillie et élevée comme sa fille. Elle était tellement émue !

Non, je n’ai pas de vidéo ou de photo, c’était dans une église, pendant des funérailles ! On ne prend pas de photo dans ces occasions. J’ai bien vu que vos collègues étaient déçus.

Non, je vous le répète, je n’ai pas tout compris Tout le monde s’agitait, les bruits résonnaient fort, on commençait à se bousculer, j’ai fait évacuer mon église.

                                                                                                          Clarence

 

15.

Je sais des choses, moi, j’en sais beaucoup, moi, et je peux vous dire qu’à la place de votre collègue, j’aurais pas tiré, moi !

J’étais à l’école avec Michel, mais c’est pas un méchant. Oui, il était spécial mais on passait beaucoup de temps ensemble, lui et moi, à l’abri des regards bien sûr, je voulais pas être moqué parce que je traînais avec lui. On rigolait beaucoup même s’il ne parlait pas et le jour où il n’est pas revenu à l’école, ça m’a fait mal au cœur.

Bon, je suis chirurgien à l’hôpital Sainte Hélène et quand Miche est arrivé inconscient sur ce brancard, après toutes ces années je l’ai directement reconnu. Il avait perdu beaucoup de sang, et il avait aussi un trauma crânien à cause de sa chute. J’ai enlevé la balle, j’ai recousu. Je peux vous dire que c’est bizarre d’opérer un ancien ami. J’ai aussi opéré l’hématome cérébral dû au traumatisme crânien et là j’ai vu que l’aire de Brocca était anormalement écrasée. C’est le centre du langage, alors j’espérais que l’opération lui permettrait de reparler.

Oui, à son réveil il a pu parler ! Mais seulement à moi et à Mariette, ceux en qui il avait confiance. Il nous a dit qu’il ne lui avait jamais fait de mal, à cette fillette et qu’elle était plus heureuse avec lui qu’avec ces alcooliques.

Eh bien, la sœur d’Albert et son mari. Ce sont de vraies poches à vins, comme on dit chez nous. Cette pauvre femme, elle avait la vie dure, entre son addiction et son mari qui la battait, la violait, et cette petite dont elle s’est débarrassée.

Oui, moi je vous dis juste ce que Miche nous a raconté. Cette femme, elle savait comment il était, c’est son frère Albert qui lui avait raconté. Elle a préféré confier sa petite aux fées et à Miche, plutôt que l’élever dans cet enfer quotidien. Et je la comprends, moi, parce que cette enfance, je l’ai eue, moi, et s’il n’y avait pas eu Miche pendant quelques temps à l’école pour m’aider, je ne sais pas si j’aurais tenu le coup.

                                                                                                           Cyprien

 

15.

Alors, je m’appelle Mélanie Garcia, et non, je n’habite pas ici, mais je suis déjà venue, oui. Je suis venue dans cette vallée. Je suis venue, oui, il y a six ans.

Ca ne vous regarde pas, non, mais je vais vous le dire quand même, à une condition. A cette seule condition, je vous le dirai. Quand je serai rassurée, je vous le dirai.

Non, ça ne me rassure pas de venir dans ces lieux où j’ai passé des moments tellement sombres ! Parce que c’est ici, il y a six ans, que j’ai perdu ma fille.

Non, non, je ne veux pas arrêter le témoignage, non ! Je vais me calmer et sécher mes larmes, s’il vous plait, attendez.

Si mes souvenirs sont bons, je l’ai perdue un vendredi, oui c’était un vendredi 13. Je l’ai perdue dans le bois. La condition que je pose si vous voulez en savoir plus, c’est que je veux savoir où est cette petite fille qui vivait nue dans la montagne. Je veux sa… savoir où elle est, cette pe… petite fille !

Pourquoi je pleure ? Parce que je m’en veux d’avoir agi comme ça il y a six ans. Parce que j’ai agi sous le coup de la colère, ma colère contre cet homme et ce qu’il m’avait fait. Donc maintenant dites-moi où est ma fille !

Maxime